L'inconnu de la Grande Arche fut le coup de coeur AFCAE du premier lundi de novembre que j'ai ainsi vu, en avant-première … de 48 heures sur ma venue en salle parce qu’il était hors de question de manquer le nouveau film de Stéphane Demoustierdont j’avais tant apprécié Borgo et La fille au bracelet.J’en avais vu la bande-annonce qui m’avait intriguée. Je ne savais effectivement rien de la construction de cette Grande Arche où je n’ai jamais d’ailleurs mis les pieds malgré plusieurs invitations à des évènements, mais qui ne coïncidaient jamais avec mon agenda.
J’ignorais, comme sans doute beaucoup d’entre vous, qu’elle aurait dû s’appeler Le Cube et surtout qu’elle a été conçue par un architecte tout à fait méconnu. Je savais juste que c’était un projet qui tenait à coeur au président François Mitterand … comme la Pyramide du Louvre ou la "fameuse" Bibliothèque … dont la fonctionnalité va à l’encontre du premier principe de conservation des livres puisqu’ils n’y étaient pas protégés de la lumière.
Ce film aurait pu virer au documentaire. C’est un chef d’œuvre, à tous points de vue, qui lève le voile sur un mystère (même si cela ne nous préoccupait pas tant que ça) et qui nous permet de nous replonger dans la période 1983-87.
Tout commence avec l'annonce du lauréat qui se fait dans le brouhaha d'un bureau élyséen. Son nom n'évoque aucun architecte alors qu'à l'époque on aurait misé sur quelqu'un comme Jean Nouvel et il est qualifié "d'inconnu au bataillon". Mais rien ni personne n'est censé résister à Mitterand qui ordonne Appelez le lauréat. L'homme n'a pas de téléphone, et "personne ne connait ce type". Les péripéties commencent pour Jean-Louis Subilon (Xavier Dolan), conseiller du président, dans lequel on peut voir peut-être l’urbaniste Jean-Louis Subileau, grand nom de l’aménagement et acteur de l’opération "Tête Défense".
La scène s'est réellement déroulé de cette manière. Le concours réunissait 424 projets anonymes venus du monde entier, dont quatre avaient été sélectionnés par le jury et présentés au président. Le 25 mai 1983, François Mitterrand, se ralliant à la proposition du jury, avait effectivement retenu le projet de l'architecte danois Johan Otto von Spreckelsen (1929-1987 mort à 57 ans). Professeur à l'Académie royale des beaux-arts du Danemark, c'était un architecte inconnu, sans agence ni associé, mais qui avait séduit par la forme fétiche sur laquelle il travaillait depuis de nombreuses années, un cube ouvert pour former une grande arche.
Voilà Jean-Louis missionné pour partir à sa recherche. On découvrira le gagnant (Claes Bang) dans une scène surréaliste le montrant en train de pêcher avec sa femme dans une nudité complète. Le comédien était taillé pour ce rôle, par sa taille, le port de son unique costume... qui le place en marge de tous les autres. Il a spécialement appris le français, dont il ne connaissait que quelques rudiments et le parle parfaitement, Ave juste un léger accent.
On apprend que l'architecte est un danois, qu'il a 53 ans et enseigne l'architecture. Et on saura plus tard qu'il est atypique à de multiples points de vue. Il peut rouler toute une nuit si cela lui pour éviter de prendre l'avion dont il est phobique.
Interrogé plus tard devant un parterre de journalistes sur le concept qu'il a imaginé il répond avec simplicité comme s'il s'agissait d'une évidence : Paris a de nombreux monuments qui ne se ressemblent pas. Je voulais trouver une nouvelle forme pour Paris et Paris n'a pas de cube. A propos de ses antécédents il répondra avec la même franchise avoir construit sa maison et 4 églises (que cela). On l'applaudit comme en pensant qu'il blague.
Toujours est-il que la "fantaisie" de Johan Otto Von Spreckelsen rencontre le rêve de Mitterand (fraîchement élu Président de la République) qui est de compléter les dix kilomètres de la perspective historique entre le Palais Royal et le nouveau quartier d’affaires de la Défense, lancé à l’orée des années 1960. Cette perspective est encore qualifié d'axe royal, et fut initiée par André Le Nôtre, en préfiguration de la future avenue des Champs-Élysées lorsqu'il a été chargé par Colbert en 1664 d'embellir le jardin des Tuileries.
François Mitterrand vérifiera lui-même que le cube sera bien situé sur la perspective de Le Nôtre, n'hésitant pas à traverser l'avenue à pieds, au grand dam de son service de sécurité. Il est ravi, s'exclame que c'est très beau. Cependant le couperet tombe : mais c'est bleu. L'anecdote est sans doute vraie. Il est de notoriété publique que sa couleur préférée était le rose.
Qu'à cela ne tienne, l'architecte se mettra en chasse du marbre le plus beau, celui de Carrare, en Toscane, riche en nitrates, qui brillera dans les tons roses au soleil couchant, le même que Michel-Ange avait retenu pour sa Pieta, il y a six cent ans. Il aura besoin de 3 à 4 hectares de marbre, donc 5000 tonnes. Et tant pis pour la dépense si c'est un caprice onéreux, engagé au mépris des procédures d'appel d'offres théoriquement obligatoires, au motif qu'on doit faire ce que le client veut.



































